Avec les collègues du Basic à Paris, nous avons publié un article dans la revue Frontiers in Sustainable Food Systems sur le coût de l’usage des pesticides en France sur le budget de l’Etat. L’estimation minimale se monte à 372 millions d’Euros par an pour ce budget. Ces résultats ont fait l’objet d’une publication dans le journal Le Monde. Si les résultats sont interpellants, l’intérêt de l’article est aussi méthodologique. Pour la première fois en agriculture a été appliquée la méthode de comptabilisation des coûts réels de K.W. Kapp.
Les pesticides font toujours débat (voir notamment l’article sur les néonicotinoïdes). S’ils coûtent au budget de l’Etat ne sont-ils pas aussi un élément clé de la productivité agricole et du revenu des agriculteurs et agricultrices ? Si ces questions sont pertinentes, il faudrait prendre garde au raccourci. La productivité agricole est bien dépendante des pesticides et des engrais chimiques. Une agriculture sevrée de ces intrants chimiques est moins productive. L’agriculture biologique, par exemple, est environ 30 % moins productive que l’agriculture conventionnelle. Quelles seraient les conséquences d’une telle baisse de production ? Produire moins ne signifie par pour autant se retrouver dans une situation de déficit alimentaire. En effet, une partie significative des productions agricoles n’est pas utilisée pour l’alimentation humaine mais pour des usages non agricoles comme les biocarburants et l’alimentation animale. Par ailleurs, à l’échelle planétaire, plus de 20 % des productions agricoles sont gaspillées.
Si la baisse de la productivité agricole n’a pas de conséquence immédiate sur la sécurité alimentaire, elle pourrait avoir un effet sur le revenu des agriculteurs et agricultrices. Le modèle actuel de rémunération est basé sur des prix bas, des productions toujours plus importantes et des subsides conséquents. Ce modèle est aujourd’hui déstabilisé par des prix très fluctuants et des productions qui ont tendance à plafonner. Les pesticides ont un impact positif indéniable sur les niveaux de production mais ils sont aussi un élément du coût des productions. Produire plus ne signifie donc pas automatiquement gagner plus.
Même si les pesticides offrent des bénéfices aux agriculteurs et à d’autres acteurs des chaînes de valeur alimentaires, est-il normal que la charge de leur utilisation soit à la charge de l’Etat et de la collectivité ?
Le débat est ouvert. L’objectif de notre article est bien de contribuer à ce débat par un premier élément chiffré et un choix méthodologique. Il reste centré sur le budget de l’Etat et une approche comptable. L’extension de cette approche aux autres acteurs de la chaine devrait permettre de mieux comprendre les trajectoires possibles dans l’usage des pesticides.
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