Autour du Bec Hellouin

La ferme du Bec Hellouin est une remarquable expérience de maraichage permacole en Basse Normandie. Elle met en œuvre des techniques pointues en intégrant productivité, pertinence environnementale et esthétique. Cette expérimentation essentiellement technique fait l’objet d’un engouement médiatique qui dépasse son objet. Alors qu’elle est avant tout une expérimentation technique, elle est présentée dans certains cénacles comme une préfiguration d’un nouveau modèle agricole.

Un peu partout, à la campagne comme à la ville, des micro-fermes comme celle du Bec Hellouin pourraient voir le jour. « Je pense que les gens vont venir à la terre à temps partiel. On peut se lancer quasiment sans investissement, du jour au lendemain. », suggère Charles qui estime qu’un million de micro-fermes pourraient être créées, en France, dans les prochaines années. Soit un million d’emplois possibles : « 1 000 m2 cultivés en maraîchage bio permaculturel permettent de créer une activité à temps plein », estime l’ingénieur Sacha Guégan. « C’est un métier dur, rappelle Charles, mais nous vivons chaque jour dans la beauté de la nature qui nous entoure. » (http://www.bastamag.net/Bienvenue-dans-l-agriculture-de).

Cet optimisme ne résiste pas à une analyse fine de la comptabilité. Catherine Stevens,  au sein de l’ASBL Barricade, a réalisé un très beau travail de décorticage des dimensions économiques de la ferme .

2015 – Permaculture et maraichage biologique – Ferme du Bec Hellouin

Elle conclut notamment :

L’agriculture n’est pas en grande forme et des nouvelles manières de faire sont à inventer. Le développement de l’agriculture urbaine et péri-urbaine via la mise en place de projets de petite taille est une piste parmi d’autres qui offre des perspectives intéressantes pour un certain type de production. Le Bec Hellouin concourt à la faire connaitre et à l’expérimenter, notamment via l’importation des techniques de maraichage biologique intensif nord-américain. Mais elle tend aussi à la décrédibiliser aupres des sceptiques àqui l’on donne bien des raisons de le rester. L’étude et la méthode dites du Bec Hellouin ne proposent pas une solution qui peut-être légitimée dans le milieu agricole. Dommage et dommageable pour celles et ceux qui travaillent sérieusement à développer des alternatives crédibles (p 34-35)

Une analyse de Prisca Sallets pour Biowallonie rejoint les mêmes conclusions.

Analyse sur Bec Hellouin

François Léger a répondu à ces critiques et une nouvelle version du rapport est disponible.

Réponse à la publication sur le site barricade_29012016

Rapport-étude-2011-2015-Bec-Hellouin_30112015-2(1)

En conclusion de ce rapport, François Léger rappelle avec justesse que « Comme nous l’avons déjà dit et répété, nous n’avons fait qu’étudier les productions sur 1000 m², qui ne sont pas la Ferme du Bec Hellouin et dont nous n’avons jamais prétendu qu’ils puissent constituer à eux seuls une « vraie ferme ». Il reste donc des étapes pratiques et des études à réaliser pour comprendre comment un modèle comme Bec Hellouin peut être légitime en conditions réelles de production  et de commercialisation. C’est à ces étapes qu’il faudrait s’attacher au lieu de vendre médiatiquement une expérimentation qui n’est pas encore finie.

La ferme de Bec Hellouin bénéficie d’un aura positif énorme dans certains milieux. On peut comprendre la fascination devant la réalisation technique et sa cohérence et la preuve de concept technique est intéressante et utile.

En faire un modèle pour l’agriculture de demain demande une analyse plus fine de la réalité des systèmes alimentaires maraichers d’aujourd’hui. Antoinette Dumont réalise une thèse dans ce sens dans mon équipe.

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